3.2.3. Des transformations qui engagent l’ensemble de l’écosystème
Les entreprises sont prises dans des réseaux d’interdépendance. Fournisseurs, partenaires, sous-traitants, distributeurs, actionnaires… pour rendre les transformations pérennes, les organisations doivent s’insérer dans les réseaux ad hoc. Comme le note Vincent Mandinaud, sociologue et chargé de mission à l’Anact, en prenant l’exemple des éleveurs qui reprennent la main sur l’abattage du bétail avec les abattoires mobiles :
« Il ne suffit pas de sortir du système, il faut recomposer les filières : pour valoriser ses bêtes, c’est tout le circuit de proximité, modèle économique compris, qui doit être repensé. On ne peut pas s’arrêter aux conditions de travail, pensées à l'échelle d'une entreprise. Car les leviers d'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise se trouvent aussi pour partie en dehors de l'exploitation elle-même. »
Entretien avec Vincent Mandinaud, réalisé le 9 juin 2022.
Une problématique que pointe également Sophie Rigondaud, chargée de mission « Futurs bio » à la FNAB : « Tout le monde veut s’installer en maraîchage et personne en élevage… Or, en bio, on a besoin du fumier des bovins pour faire pousser de grandes cultures ou des légumes ; l'élevage a une place hyper importante dans l’équilibre de l’agriculture bio »
Pour accompagner les transformations du travail, un effet d’entraînement doit être créé sur l’ensemble de l’écosystème. De ce fait, la transformation des grands groupes est particulièrement importante ; leur capacité d’influence sur la chaîne de valeur est clé. Conscient de cette responsabilité, Yves Rocher est en train de travailler à la construction d’une filière « du champ au produit » avec des investissements locaux dans les capacités de production et de traitement de plantes utilisées pour les cosmétiques… tout en ayant une attention soutenue à ne pas avoir un poids déterminant dans l’équilibre de la filière. Un changement de posture qui est encore loin d’être évident. Comme nous le confiait la directrice d’une filiale d’un groupe multinational lors d’une précédente étude sur les pratiques RSE dans le BTP, l’endogamie est structurelle dans les grands groupes : « par rapport à une PME, pour qui il est vital d’avoir des liens avec son écosystème, une grande entreprise aura tendance à penser qu’elle doit internaliser les ressources en interne pour faire face à tous les enjeux […] plutôt que de chercher à établir une collaboration équilibrée avec [d’autres] entreprises».
Le rôle des organisations professionnelles et des opérateurs de compétences (OPCO) est primordial Notamment par leurs actions de lobbying auprès des pouvoirs publics pour créer des cadres réglementaires et concurrentiels favorables à l’expérimentation et à la création de filières cohérentes avec les impératifs écologiques. Et par leur soutien aux entreprises du secteur.
[1] Entretien avec Vincent Mandinaud, réalisé le 9 juin 2022.
[2] Entretien avec Sophie Rigondaud, op. cit. Notons sur ce sujet que des collectifs s’organisent pour concevoir une filière maraîchère entièrement sans intrant d’élevage ; plus d’informations sur le site « Sans fumier ! » animé par l’association Carpelle qui est à l’origine de la traduction française du manuel de référence Jenny Hall et Iain Tolhurst (2021), Sans fumier ! Manuel de maraîchage sans intrant d'élevage pour un futur soutenable.
[3] Entretien avec Alexandra Ferre, op. cit.
[4] Yaël Benayoun, Ptolémé Lyon, Domitille Pestre-Careel (2021), op. cit., p. 11.
[5] À ce sujet, voir : Aline Valette-Wursten (2022), « Transition écologique : l’État peut-il orienter l’action des secteurs professionnels ? », Céreq Bref, n°429. Ou encore : ONEMEV (2022), « Les opérateurs de compétences au défi de la transition écologique », document de travail.
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