La volonté du dirigeant, un facteur à ne pas négliger mais qui ne suffit pas à lui seul

Enfin, les déterminants micro renvoient à l’histoire d’une entreprise singulière, à la trajectoire et aux profils des personnes qui la constituent, mais aussi au climat social et aux pratiques commerciales déployées. Il s’agit alors d’identifier les conditions d’émergence d’une conscience et de pratiques RSE à l’échelle d’une organisation spécifique.

Tout d’abord, c’est beaucoup plus simple de partir d’une page blanche que de réorienter une organisation déjà existante. Et comme nous l’avons vu précédemment, plus la structure est imposante, plus elles rencontrent des forces de blocage et d’inertie. De ce fait, il n’est pas surprenant, toujours au regard de la typologie des sociétés à mission que près de 40 % d’entre elles soient des entreprises nouvellement créées, et 73 % aient moins de 10 ans En d’autres termes, l’ancienneté est un facteur déterminant dans l’engagement RSE.

Un autre facteur qui est directement lié, c’est la maturité de personnes-clés au sein de l’organisation sur ces enjeux. Par « personnes-clés » nous entendons des personnes qui portent le projet d’entreprise (par exemple le dirigeant), mais aussi des personnes influentes et légitimes dans l’organisation qui pourront avoir des rôles de « passeurs » (responsables d’équipe, chefs de chantier, etc.). En cela, l’information et la formation sont des éléments essentiels. Mais on observe aussi l’importance de la participation dans des instances collectives ou professionnelles. Les fédérations, les syndicats, les réseaux professionnels sont des lieux de socialisation et d’échanges de pratique qui s’avèrent déterminants dans les parcours individuels et collectifs.

Un troisième facteur qui peut jouer est la formalisation des démarches existantes pour travailler la culture interne de l’entreprise. Ce point d’attention concerne les TPE, qui souvent se contentent d’une culture orale, mais aussi les grands groupes qui se retrouvent à travailler en silos avec un faible partage d’information entre les directions ou les projets.

Cette liste ne se veut pas exhaustive. C’est simplement un aperçu des couches de contraintes qui traversent les entreprises et qui peuvent entraîner de fortes poches d’inertie. Les échelles macro, méso et micro permettent d’approcher plus finement les freins que peuvent rencontrer les organisations, dans la mesure où les trois niveaux s’enchevêtrent. Nous arrivons aujourd’hui à un moment d’autant plus intéressant que l’idéologie ingénieriste que nous détaillons dans la première partie n’est plus exclusive. Pour reprendre une formule de Mathilde Loisil, présidente du Réseau des Écoles de la Transition Écologique (ETRE) : « Les humains ont compris, maintenant il faut changer la machine »

La montée de la prise en conscience de l’urgence écologique amène d’autres manières de penser et de travailler à cohabiter – plus ou moins bien d’ailleurs – avec les structures et infrastructures dominantes, ce qui ajoute du jeu dans les marges de manœuvre aux mains des entreprises. Plus que des pistes qui n’auraient que peu de sens au regard du périmètre de cette étude exploratoire, la troisième partie de ce rapport se propose d’identifier les conditions du changement : quels sont les déterminants qui créeraient un cadre favorable à l’intégration des enjeux écologiques au cœur des modèles d’affaires, et à quoi pourraient ressembler les structures et infrastructures correspondantes aux idéologies émergentes.


[1] Observatoire des Sociétés à mission (2022), op. cit.

[2] Entretien avec Mathilde Loisil, op. cit.

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