La taille, un facteur discriminant pour l’engagement RSE des entreprises

Dans un même contexte socio-économique, les contraintes qui pèsent sur les entreprises ne seront pas les mêmes en fonction de leurs caractéristiques dites visibles (taille, chiffre d’affaires, champ d’activité, etc.) ; c’est ce qu’on appelle les déterminants méso. Parmi les différentes caractéristiques, la taille apparaît un facteur particulièrement discriminant pour l’engagement RSE.

Depuis le décret n°2017-1265 du 9 août 2017, les entreprises qui dépassent certains seuils comptables doivent présenter une déclaration de performance extra-financière dans leur rapport d’activité. La réglementation rend obligatoire la formalisation des démarches RSE au sein des entreprises de plus de 500 salariés ; les autres en sont exemptes. Cette différence de traitement correspond aux différences de pratiques que l’on retrouve dans ces deux types de structures. Les ETI et les grandes entreprises peuvent se permettre, de par leur taille et le chiffre d’affaires qui va avec, de consacrer des moyens importants à la RSE. Par ailleurs, elles ont une culture de reporting déjà bien ancrée, ce qui facilite l’objectivation et le suivi des politiques déployées. Les travaux portant sur les PME et TPE témoignent de difficultés plus grandes Dans les petites structures, on observe en général un double phénomène qui freine leur engagement dans des démarches RSE. Tout d’abord, une faible structuration de l’entreprise qui va avec la concentration de la prise de décision aux mains d’une personne (bien souvent le fondateur). Ensuite, une organisation d’abord tournée vers le court-terme et l’opérationnel. Il en découle une difficulté à dresser un diagnostic, à choisir les actions à engager, à les suivre et à les évaluer. Dans ce contexte, la RSE s’ajoute au reste et a du mal à être vécue autrement que comme une contrainte.

Pour autant, c’est bien chez les plus petites structures que l’on voit les projets les plus innovants du point de vue de l’intégration des enjeux écologiques. Un constat paradoxal qui nous a été partagé plusieurs fois en entretien, et qu’on retrouve en regardant la typologie des sociétés à mission : 80 % sont des entreprises de moins de 50 salariés Si leur petite taille les rend plus sensibles aux déterminants macro, elles sont également bien plus agiles et malléables pour bifurquer. Sophie Rigondaud, chargée de mission « Futurs bio » à la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), nous partageait les difficultés que les grands groupes ont à relocaliser leurs productions : « avoir une direction des achats au Pays-Bas, ça ne marche pas avec des coopératives localisées où personne ne parle anglais… travailler avec des grosses boîtes internationales qui veulent vendre local dans le sud-ouest, ça bouscule leur orga à elles ! » De fait, les DRH que nous avons rencontrés témoignent de la difficulté de diffuser la RSE dans les pratiques opérationnelles ; nous avons donné certains exemples dans les sections précédentes .

Un autre aspect à ne pas négliger est la place des actionnaires dans les très grandes entreprises. En 2020, une étude révèle que des fonds spéculatifs compromettent la responsabilité sociale des entreprises Ces derniers considèrent les activités de RSE comme l’indicateur d’un gaspillage de ressources qui ne permettrait pas aux entreprises de maximiser les bénéfices de leurs actionnaires. Les fonds activistes se jettent alors sur l’entreprise et font pression sur le conseil d’administration pour obtenir des changements de stratégie et de gouvernance. Une stratégie dont Danone a fait les frais


[1] Voir par exemple Philippe Callot (2014), « La difficile appropriation du concept de RSE par les TPE. Le cas de la viticulture », La Revue des Sciences de Gestion, n°269-270. Ou encore : Elisabeth Lamure et Jacques Le Nay (2020), « Comment valoriser les entreprises responsables et engagées ? », rapport d’information du Sénat, n°572.

[2] Chiffres au 4e trimestre 2021. Voir Observatoire des Sociétés à mission (2022), « Baromètre de l’Observatoire – Portrait des sociétés à mission », n°5.

[3] Entretien avec Sophie Rigondaud, op. cit.

[4] Voir par exemple la section « 1.3.2. La conduite du changement descendante, un haut risque de détérioration du climat social ».

[5] HEC (2020), « Une étude révèle que les fonds spéculatifs activistes compromettent la responsabilité sociale des entreprises », communiqué de presse.

[6] Bertrand Valiorgue (2021), « Danone, une illustration des fragilités du statut d’entreprise à mission », The Conversation.

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